De nombreuses associations parentales, comme Réseau des parents dans les Hauts-de-Seine, offrent un soutien téléphonique gratuit et anonyme pour mieux gérer le confinement. Au bout du fil : des professionnels bénévoles.
Peu de temps après le début du confinement, l’association Réseau des Parents a mis en place une écoute gratuite et anonyme pour les parents en difficulté. Au bout du fil : des professionnels bénévoles.
Quand l'annonce du confinement est tombée, Pierre Pouzet a tout de suite perçu les difficultés à venir pour les familles. La sollicitation permanente des enfants, l'impossibilité de se changer les idées après une dispute, la répartition des espaces de vie…Le thérapeute, qui exerce depuis quatre ans à Colombes (Hauts-de-Seine), anime des groupes de parole pour les futurs pères et s'est spécialisé dans la prévention des violences intrafamiliales. Il fait partie des cinq professionnels de l'association Réseau des parents, basée dans les Hauts-de-Seine, à l'écoute des familles en détresse, depuis une dizaine de jours.Après trois semaines d'enfermement, les appels arrivent avec parcimonie. C'est justement ce qui inquiète Pierre Pouzet : « soit nos concitoyens réagissent très bien au confinement, soit les personnes qui ont besoin de soutien n'ont pas l'information. Je penche plutôt pour la deuxième option. » Pourtant, le site du Réseau des parents a vu son nombre de visiteurs exploser : « nous sommes passés de 80, 100 visiteurs à plus de 600 par jour », précise Marie Poidatz, cofondatrice de l'association.« La moindre petite chose peut exploser »Jusqu'à présent, les bénévoles font le même constat : le confinement a tendance à exacerber des difficultés préexistantes. « La moindre petite chose peut exploser, remarque le thérapeute. Comme il n'y a aucun moyen d'extérioriser ni de moment de solitude, on se focalise sur des désaccords anciens : cela peut être la répartition des tâches ménagères, des problèmes de communication au sein du couple… » Pierre Pouzet s’est tout de suite porté volontaire pour soutenir les parents via une écoute téléphonique. DR. Seul homme sur la liste des cinq professionnels, Pierre Pouzet reçoit des appels de femmes « qui essaient de comprendre leur mari ». Pour limiter l'effet d'un choc traumatique, il préconise la verbalisation. « Plus les gens en parleront tôt, mieux ce sera. On ne vous jugera pas, on ne vous dira pas que vous nous appelez pour rien », répète le thérapeute.Même message pour ceux qui craignent de devenir violents : « mieux vaut appeler que de passer à l'acte ». Tourmentés par leur geste, des parents ont confié à sa femme, enseignante, avoir giflé leur enfant « tellement ils étaient sous tension ».Une vague d'appels attendue cette semaineNina Bataille, coach parental à Paris (XVIIe), a reçu une quinzaine d'appels en dix jours. « Ce sont surtout des gens qui n'ont pas l'habitude de passer autant de temps en famille, et qui ont donc l'impression de vite perdre le contrôle, de trop crier. Je sens du soulagement quand je leur dis qu'avec des enfants, ils vivent un confinement plus difficile que la moyenne. »Face à la pression de vouloir assurer sur tous les fronts, Nina Bataille prône le lâcher prise. « Il faut accepter de délaisser un objectif, comme l'appartement toujours impeccable, pour se concentrer sur un autre plus important, par exemple éviter de s'énerver sur ses enfants. » Les thérapeutes s'attendent à recevoir la première grosse vague d'appels cette semaine, « quand ça va tirer un peu », prévoit Angélique Lefort, consultante parentale. Ce sont en majorité des mères célibataires, avec de très jeunes enfants, qui la sollicitent. « Elles doivent gérer la frustration des tout-petits, leurs crises de colère, leur changement de comportement lié au changement de rythme… »Des rituels pour donner des repères aux enfantsAngélique Lefort conseille alors d'instaurer des rituels pour donner des repères aux enfants. Surtout, éviter le yoyo entre le lundi et le vendredi. Cela passe par des activités calmes à des heures régulières, par une table débarrassée tous ensemble, car « la maman n'est pas l'esclave à la maison ».Certaines mères de famille doivent aussi composer avec les guerres de territoire dans la fratrie : « les enfants partagent davantage le même espace… Et leur maman ! La mère est tiraillée entre ses différentes casquettes, note Angélique Lefort. Le premier discours est de les déculpabiliser, de s'autoriser à souffler, à s'occuper de soi et de son travail ».Bénédicte d'Huart, elle, sent surtout un véritable besoin d'écoute. L'écoutante parentale se considère comme un réceptacle de la parole. « Beaucoup de gens n'ont personne à qui dire leurs angoisses. À la sortie de l'école ou en allant faire les courses, on pouvait déverser son inquiétude sur une personne familière, mais ça n'est plus possible. L'idée est que l'angoisse ne se transforme pas en agressivité envers le conjoint ou l'enfant », résume-t-elle.Pour Pierre Pouzet, le gros du travail des thérapeutes viendra surtout après le confinement : « on aura beaucoup de personnes en situation post-traumatique, estime-t-il. Les soignants, les caissiers, potentiellement toutes les personnes qui continuent à travailler en s'exposant au danger ou celles pour qui le confinement s'est mal passé. Et ça peut resurgir six mois, un an plus tard. Dans les années à venir, il faudra l'avoir en tête ».Nina Bataille, coach parental : 06.18.07.23.83. Rendez-vous entre 14 heures et 18 heures. Pierre Pouzet, coach-thérapeute : 07.69.82.07.70. Angélique Lefort, consultante parentale : 06.63.26.93.60. Rendez-vous entre 9 heures et 20 heures. Albane de Saint-Maurice, conseillère conjugale et familiale : 06.61.66.74.45. Bénédicte d'Huart, écoutante parentale : 06.70.42.64.61. Rendez-vous entre 17 heures et 19 heures. Par Anissa HammadiLe 6 avril 2020 à 14h00. Le Parisien.
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